SOUCHIER
1. Conservation souches
Droit
Il n'est pas très évident de savoir quelles souches il est possible de conserver au laboratoire d'un établissement scolaire. Les souches naturelles provenant de l'environnement ou de malades (voir §2) ne devraient peut-être pas être conservées. Cette opinion ne parait pas très sérieuse au vu du peu de danger, d'un risque très limité dans le cadre d'une manipulation normale et de l'intérêt particulier de certaines souches. Pensons aux Klebsiella à BLSE indispensables en BTS ABM : en les conservant dans le souchier, correctement étiquetées, on évite leur recherche à l'hôpital et donc un transport dangereux ! Ne déplaçons donc pas le risque. Et n'oublions pas les champignons allègrement trouvés dans notre environnement, et qu'il n'est pas facile d'acheter ! (à qui ?)
Conservation
Les souches évoquées dans “Où trouver des souches microbiennes” et conditionnées peuvent servir de solution de stockage. On les conservera donc pour une durée dépassant très certainement celle du lycée ou de l'IUT.
Microorganisme |
---|
Souche lyophilisée de Corynebactérie |
Les autres souches de bactéries et champignons peuvent se diviser en deux catégories : celles qui résistent bien et celles qui meurent rapidement après quelques repiquages.
Souches de conservation simple
Leur conservation se fera sur des géloses inclinées avec un repiquage annuel ou pluriannuel. Dans notre expérience, des souches sur géloses de plus de 20 ans peuvent être récupérées malgré la déshydratation extrême des tubes et cela pour des souches non sporulées (E. coli O111, Providencia rettgeri,…). On ne peut évidemment pas généraliser.
Les souches de champignons ne présentent aucune particularité de ce point de vue. Elles peuvent voisiner les bactéries sans aucun problème (les septiques réfléchiront au passage d'un champignon vers son voisin dans le tube d'à côté).
Parfois, certaines souches se conservent mieux en bouillon : c'est le cas de certains Pseudomonas et apparentés, de Stenotrophomonas… Surprises de rentrée des vacances d'été.
Souches de conservation délicate
Il s'agit de souches particulières :
pour Streptococcus pyogenes, agalactiae, C, pneumoniae : Nous les conservons assez bien sur gélose chocolat supplémentée en tubes (en vérifiant l'humidité) et congelées. pour Haemophilus et Neisseria : Seule solution : le congélateur.
Techniques utilisée pour congeler Une première solution : les souches sont placées dans une solution de glycérol (stérile) à environ 30 % puis le tube est stocké dans le congélateur à -18°C. En effet, l'investissement dans un -80°C pour les souches seulement ne peut se justifier : il est alors aussi simple d'acheter les souches lyophilisées. L'azote liquide pourrait être une alternative que nous n'avons pas explorée. À -18°C, les échecs sont nombreux toutefois : mais comment être sûr qu'une décongélation n'a pas été réalisée au mois d'août ?
La récupération des souches est obtenue par étalement de gouttes du tube sur une gélose idoine. En général aucun problème ne se pose.
Deuxième solution : nous congelons directement les souches sur gélose chocolat supplémentée… Beaucoup plus simple et très efficace en général, même si les échecs sont possibles (vu les souches congelées…).
Technique utilisée pour Stocker les géloses
Nos préparatrices, Maï et Nathalie, ont eu la bonne idée de trouver une armoire adéquate pour stocker, du type de celles des pharmacies.
Le tiroir ouvert montre les tubes réserves : deux géloses inclinées pour les souches de conservation facile. Les tubes visibles sont les Gram +, les Gram - sont en arrière avec un carton rose ! Normalement un seul manipulateur.Un tiroir contient les souches courantes en bouillon pour la préparatrice qui fait les ensemencements.Un tiroir contient les champignons avec de l'antimite pour éviter les acariens. Les géloses sont des géloses sabouraud, parfois des géloses “ordinaires” qui conviennent la plupart du temps.
Une armoire très pratique (au lycée)
Une histoire d'ACARIENS
Un premier avril, en TP de BTS AB2, on m'appelle pour des choses bizarres dans un état frais de Microsporum canis… Forme bizarre ressemblant à un oeuf de nématode. Puis quelques instants plus tard, la découverte d'un petit animal poilu et qui bouge… Les acariens ont débarqué et le printemps leur est favorable !
Pas grave à priori : les tubes sont autoclavés. Mais quelque temps plus tard, de nombreuses contaminations bizarres, avec des Pseudomonas (faciles à voir) ou d'autres bactéries. Manifestement, les acariens se répandent dans tous les tubes et voilà que nous nous grattons après l'observation, à la loupe, de nombreuses petites bêtes dans les tubes. Stupeur à la réflexion : les acariens quittent les tubes ! et voyagent de tubes et tubes ! Et s'il y a des Salmonella ?
Panique !
Pour ne pas perdre toutes les souches, le souchier est entièrement examiné à la loupe, les tubes contaminés autoclavés, puis repiqué et contrôlé. Les acariens n'aiment pas 37°C, mais les champignons non plus (du moins certains d’entre-deux). Une visite de laboratoire à Cochin en mycologie nous amène à ajouter l'antimite permettant de tuer les acariens encore présents. Enfin, une réflexion sur la source : d'où viennent les envahisseurs ? Il se trouve qu'une stagiaire Capet a rapporté, de son stage, pour faire plaisir à son “honorable” tuteur, une centaine de tubes de dermatophytes ! Les acariens provenaient donc de malades niçois.
Depuis cet épisode, nous trouvons parfois des acariens dont l'origine n'est pas évidente : résurgence ou nouveaux arrivants ? Quelques conseils :
- dès l'apparition AGIR en éliminant les tubes suspects,
- mettre l'antimite en préventif dans le souchier des champignons,
- faire subir une quarantaine aux nouveaux champignons entrant dans le souchier.
Acarien = arthropode à 8 pattes (6 chez les insectes) parfois parasites (Sarcopsistis de la gale)
Malheureusement, l'histoire se répète, peut être à partir d'une souche conservée à partir d'un saucisson, et les acariens ont de nouveau envahit le souchier (champignons seulement). L'éradication était en cours en février 2009
2. Où trouver des souches
ATTENTION : ces informations ne sont pas des informations officielles et n'engagent donc pas l'éducation nationale !
DROIT
La détention et l'utilisation de souches microbiennes était régie, au niveau de l'Éducation nationale, par la circulaire du 8 aout 1973 parue au BOEN n° 43 du 22-11-1973. Des décrets récents (1994) sont parfois en relative contradiction avec cette circulaire sans que l'on sache vraiment quels sont les textes qui sont applicables. Cette circulaire de 1973 a pour but de protéger les élèves (et les professeurs) du danger de la manipulation de microorganismes très pathogènes (“pathogènes stricts”) ou de microorganismes occasionnellement pathogènes. Il n'est pas possible malheureusement d'éliminer tout risque puisque la sensibilité individuelle n'est pas normalisée. Elle aurait dû être révisée, en particulier en intégrant les décrets de 1994, car elle ne répond pas aux nouvelles maladies comme le sida, n'inclue pas les évolutions de la nomenclature et ne répond pas aux TP de biotechnologies et de mycologie. Mais vu le “principe de précaution” et autres peurs idiotes, elle risquerait d'être durcie et les tp de microbiologie se faire au tableau. À suivre…
Personnellement, j'estime qu'il ne faut pas exagérer le risque encouru par l'utilisation de microbes pathogènes ou potentiellement pathogènes. Nous avons toutefois une obligation de résultat : pas d'élèves ou de personnel malade à cause de nos microbes. Il semble donc raisonnable de dire :
- que nos élèves peuvent manipuler tout organisme de classe 2 utile, à la condition expresse que leur niveau de compétence technique soit correct et que le laboratoire dans son ensemble (matériel et personnel) le permette.
- que les souches utilisées doivent être stockées dans de bonnes conditions de sécurité (signalétique, salles fermées à clé…) et de traçabilité (un cahier doit répertorier toutes les souches utilisées avec un maximum d'informations, en particulier de leur provenance).
- qu'il est inutile de détenir des souches pathogènes non nécessaires aux TP et s'interroger sur les possibilités d'utiliser des non pathogènes à la place des pathogènes.
Quelques problèmes subsistent :
- Le cas des Listeria monocytogenes est intéressant : elles ne sont autorisées qu'en démonstration alors qu'elles sont classées en 2 ! Comment éviter leur manipulation aujourd'hui quand on sait que 10 % des produits alimentaires en contiennent !
- Autre cas problématique : on ne peut pas parler des BLSE (bétalactamases à spectre élargi) sans en disposer. Ces souches ne peuvent qu'être hospitalières. Par contre, il faut prévoir, au niveau du stockage, une interdiction formelle d'utilisation par d'autres classes que des BTS 2° année (ABM ou DUT AB). Dire de ne pas les conserver est irréaliste pour ne pas dire plus dangereux (car il faut sinon transporter au dehors une souche pathogène de l'hôpital à l'établissement pour chaque besoin ! Mais peut-on faire comprendre une évidence à un bureaucrate ?) !
Les dermatophytes ne sont pas prévus dans la circulaire. Enseigner la mycologie sans eux en ABM est impensable. Ces champignons sont évidemment strictement pathogènes Les formes parasitaires ne peuvent provenir que de produits pathologiques que l'on aura fait formolés mais le formol (méthanal) n'est-il pas cancérigène !
Achat de microorganismes
Il existe des laboratoires chargés de la vente de microorganismes aux industries et aux établissements scolaires (si le laboratoire de l'établissement a le droit de les détenir).
En France c'est essentiellement l'INSTITUT PASTEUR qui peut délivrer des souches sous forme lyophylisée. (INSTITUT PASTEUR Service de la collections des souches microbiennes 75015 PARIS Téléphone : 01 47 41 79 33). Prix : environ 25 € pour les établissements scolaires (réduction de 50 % à demander pour les souches indiquées dans la liste Pasteur de la circulaire). On nous demande une décharge de responsabilité pour une bactérie “banale” comme Streptococcus pneumoniae.
Toutefois, on peut s'adresser à l'INRA, qui peut délivrer, à des conditions avantageuses, de nombreuses souches, liées aux plantes, pathogènes ou non chez les animaux et les hommes, d'intérêt technologique… Merci à Lydie NOSSEREAU pour l'information.
Microorganisme |
---|
Souche lyophilisée de Corynebactérie |
Ces souches sont livrées en 2002 dans un emballage de sécurité, sorte de boîte de conserve :
Il est aussi possible de s'adresser à la DSM en Allemagne. (Deutche Sammlung von Mikroorganismen, Griesbachstrasse 8, D-3400 Göttingen RFA, Téléphone 19 49 551 39 3827). Prix : ??? par souche pour les établissements scolaires. La légalité de leur achat n'est pas évidente…
Il est enfin possible d'acheter des souches en pharmacie… lorsqu'il existe des vaccins ou “médicaments” vivants. C'est le cas actuellement des virus (pour la culture de cellules mais le poliovirus n'est plus disponible en France) et du BCG (Mycobacterium bovis avirulent) mais aussi de produits comme l'Ultralevurehttps://fr.wikipedia.org/wiki/Saccharomyces_boulardii, qui risquent d'ailleurs de disparaître vu leur inefficacité thérapeutique et le déficit de la sécurité sociale. Les risques sont extrêmement mineurs dans la manipulation de telles souches ! Que ceux qui disent le contraire réfléchissent deux minutes !
Autres sources
Toute autre source que les deux précédentes risque d'être déclarée plus ou moins illégale… Il y a lieu en particulier d'exclure toute souche hospitalière avec des élèves non compétents et même d'éviter absolument leur utilisation en STL-BGB puisque les programmes ne l'impliquent pas. En BTS, pour lesquels la règlementation n'est pas claire, la situation est différente mais la règle de la compétence des étudiants demeure.
On trouvera facilement certains microorganismes dans la nature, sachant que rien n'exclut alors un pouvoir pathogène non négligeable :
Ce procédé permet d'obtenir toute la gamme des microorganismes usuels intéressants.
Il est aussi possible de demander à un lycée possédant des sections STL-BGB ou des BTS/DUT les souches usuelles. Les collègues devraient accepter sans difficultés tant que les souches restent à priori non pathogènes. Reste le “faux” problème de la traçabilité…
Traçabilité
La traçabilité est utile pour suivre les souches utilisées. Elle est toutefois difficile à mettre en œuvre : savoir quelle est la souche manipulée pendant un TP par tel élève n'a pas vraiment d'intérêt car il faut être sûr de la réalité de l'écrit. Une souche peut avoir changé après la préparation, la tenue d'un tel travail est complexe pour un résultat sans grand intérêt.
Quant à la nature des souches il sera difficile de l'affirmer : retrouver une facture de souche achetée 20 ans auparavant est d'autant plus complexe que les archives ont pu être détruites… et aucune assurance sérieuse ne peut être donnée sur l'identité de la souche d'aujourd'hui et celle achetée… même récemment.
Quand on est un peu sérieux, on fait une analyse de risque : la plupart des bactéries manipulées ne sont pas pathogènes ou peu pathogènes, les élèves ne sont pas immunodéprimés (ou sont à protéger particulièrement si cela est la cas), s'ils manipulent des souches dangereuses doivent être compétents… Combien de malades observe-t-on ?
Voir commentaire
jean noël joffin revu le 23 mars 2013 et 1 octobre 2024 complété par Michel CAVALLA ENS Lyon Lycée Ambérieu